samedi 19 novembre 2011

Message in a bottle

Si je ne me retiens pas de faire l'apologie des jeux vidéo de manière rapide et simpliste, un soir à 23h, et tout cela en ignorant tous les contre-exemples à ma théorie du joueur auteur de sa propre histoire (I'm looking at you, Call of Duty), il faut avouer que se laisser porter par un bon scénario et des dialogues intelligents ne fait pas de mal de temps en temps.

Et force est de constater que pour trouver des histoires de grande qualité, il faut jouer à Metal Gear Solid s'écarter un peu du monde des jeux vidéo et aller regarder du côté des séries télévisées.

Depuis que j'ai commencé à regarder des séries "feuilletons" du genre de Dexter, j'ai toujours considéré les écrivains de télé comme des magiciens. Comment réussir à diviser une saison en douze épisodes avec un arc principal, un thème pour chaque épisode, des sous-intrigues, des dialogues crédibles, des rebondissements, et une fin satisfaisante ?

Cette question prend encore plus d'ampleur quand on observe des shows de la qualité de Breaking Bad. Après une première saison écourtée par la grève des scénaristes et terminée à la va-vite, la série est revenue avec une saison 2 dans laquelle tout le scénario était prévu à l'avance, du début à la fin, causant ainsi un casse-tête au niveau de la production et des dépenses au-delà du seuil prévu au départ.

Ce qui m'amène finalement au sujet du jour : les séries, quelles que soient leur nationalité ou leur qualité, doivent souvent faire face à des problèmes de budget divers et variés, et la plupart d'entre elles utilisent le même moyen pour y remédier : le "bottle show".

That's what I'd call...money laundering.


 Vous vous souvenez de cet épisode un peu ennuyeux de votre série préférée pendant lequel les personnages principaux sont bloqués / piégés / prisonniers pendant 45 minutes dans une seule pièce et ne voient la lumière du jour qu'à la toute fin de l'épisode ? Ceci est un "épisode bouteille", un épisode tourné dans un seul et même endroit avec un minimum d'acteurs pour diminuer les coûts de production et ainsi pouvoir mieux redistribuer le budget pour les épisodes qui en ont le plus besoin.

Le problème ? Les écrivains détestent les bottle shows, et à juste raison : au moment de cet épisode spécifique, les personnages en présence sont enfermés dans une bulle, comme happés en-dehors de l'univers de la série, sans arc principal, ni intrigues secondaires. La série ne peut pas avancer dans ce genre d'épisode, car les personnages ne peuvent pas agir : ils peuvent juste deviser tranquillement sur le sens de la vie ou sur leurs actes passés en attendant bêtement le deus ex machina qui viendra les sortir de ce mauvais pas, trois minutes avant la fin de l'épisode.

Breaking Bad s'est essayé à ce genre d'exercice, dans l'épisode "Fly", qui a, il faut bien le dire, un pitch de base tout à fait ridicule, qui ne tient debout que grâce à l'obstination stupide et inhabituelle (donc, pas crédible) de Walt, le personnage principal. Le pitch, le voici (si vous avez peur des spoilers, relisez ma définition du bottle show).


Une mouche investit le laboratoire de Walt. Selon lui, c'est une "contamination" dont il faut se débarrasser absolument avant de continuer à préparer la drogue.
Même le personnage qui rejoint Walt au tiers de l'épisode a du mal à croire à cette obsession soudaine; d'autant plus qu'ils doivent se mettre à "cuisiner" immédiatement sous peine de très gros problèmes, que je ne spoilerai pas ici. Mais non, rien ne peut être fait tant que la mouche n'est pas partie.

Alors oui, c'est totalement idiot, et pourtant la seconde moitié de l'épisode est un véritable tour de force. On assiste à de longs monologues portés par des plans-séquences très théâtraux, et à une introspection mutuelle des personnages plutôt bien fichue. Bien sûr, tout cela est aidé par le talent exceptionnel des deux acteurs, à condition de pouvoir passer outre le pitch insipide.

Certaines séries utilisent un procédé un peu plus hypocrite, une variante du bottle show : le clip show, qui consiste à réutiliser des clips d'anciens épisodes, histoire d'avoir moins de nouveau dialogue à écrire.

Doctor Who utilise régulièrement le procédé de l'épisode "Doctor-light", un épisode où l'acteur principal (donc le mieux payé) est quasiment absent. Cela a donné respectivement un épisode très mauvais (Love and Monsters) et l'un des meilleurs épisodes de la série (Blink).

A ce stade-là, vous vous demandez sûrement où je veux en venir. Eh bien, je pensais juste qu'il était intéressant d'éclaircir ce mystère des "épisodes qui ne servent à rien" dans les séries, et de rendre hommage aux pauvres écrivains magiciens qui se coltinent ce genre de nonsense mais qui réussissent (parfois) à faire opérer la magie malgré tout.



Tune of the day (parce que j'aime cette reprise, et tant pis pour les puristes) :


2 commentaires:

  1. Ma série favorite (un anime en fait) Cowboy Bebop) est composée à 50% d'épisodes qui "ne servent à rien" afin de contenter les diffuseurs. C'est pourtant une des séries les plus réussies de l'animation japonaise. You're right, rendons hommage aux scénaristes qui réussissent de véritables tours de force (et qui malgré ça sont payés une misère) !

    Je suis une puriste mais la reprise est très bonne ! (Comme le film, d'ailleurs)

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