mercredi 15 février 2012

Voyage à Paris, Day 2/5 : 6h30 - 13h00

   Je dors très mal cette nuit-là. Les rideaux suspendus devant la fenêtre ne sont pas suffisamment opaques pour empêcher la lumière artificielle des lampadaires de pénétrer dans la chambre. Bien entendu, j'arrive à m'endormir une demi-heure avant que mon réveil ne sonne à 6h30.

   Je me réveille donc crevé, et vais prendre ma douche dans la salle de bain du bas. J'ai un gros moment what the fuck quand je découvre que l'eau chaude semble fonctionner complètement au hasard. L'eau est tantôt brûlante, tantôt très froide, même après avoir vérifié que le mélangeur était monté dans le bon sens.

   Le petit déjeuner, pas mauvais, est composé de brioche aux raisins (Christine n'aime pas trop ça la pauvre, je mange donc sa part pendant que G. part chercher un truc), et de pain grillé, accompagné de beurre et d'une confiture d'abricots faite maison.

   Au moment de monter dans le bus, So. me demande de m'installer devant avec elle à côté d'Alan, le chauffeur, afin de pouvoir commenter sur les différents monuments de Paris. C'est sans compter sur mon manque flagrant de culture parisienne, mais j'accepte tout de même, 'cause I'm a good sport.

   Je m'installe donc dans le cockpit, sur la gauche (eh oui, c'est un bus anglais) avec So. Alan, un rouquin sexagénaire et trapu, avec du poil au nez et une silhouette de Quasimodo, est assis à notre droite, légèrement surélevé sur son siège spécial de chauffeur. Il est installé devant un tableau de bord plein de boutons dont je ne comprends pas la signification. En parlant de signification, Alan a un accent de Newcastle extrêmement fort, ce qui me causera de sérieux problèmes de compréhension tout le long du voyage. Toutefois, le bonhomme est gentil comme tout et semble avoir le sens de l'humour, ce qui est une bonne chose.

   Comme nous partons de la banlieue et que le GPS d'Alan est incapable d'indiquer le trajet optimal pour un bus de cette taille, je finis par servir de copilote et je guide Alan sur les routes de la banlieue en utilisant sa bonne vieille carte routière (qui a l'air neuve mais qui date tout de même de 2003 :o).

   Après pas mal d'errances dans la banlieue, nous arrivons enfin dans Paris, avec son trafic parfaitement fluide et ses chauffeurs civilisés. Après quelques coups de klaxon, nous arrivons enfin aux Champs-Elysées, notre première destination. So. fait le commentaire au micro, ce qui me convient parfaitement. Alan se gare à côté du grand McDo des Champs, et nous sortons du bus dans le froid glacial.
Toutefois, le ciel est d'un bleu pur et le soleil baigne la place de l'Étoile de sa lumière matinale dorée, comme pour contredire sa réputation de rond-point le plus dangereux du monde.

   Les élèves sont divisés en plusieurs groupes, chacun étant assigné à l'un des accompagnateurs. Le but est de faciliter le comptage. Chaque fois que les accompagnateurs crient "my group!", les élèves se rassemblent autour de leur accompagnateur et nous comptons nos élèves individuellement, avant de signifier aux autres que le compte est bon en levant le pouce en l'air. J'ai un groupe de treize garçons, avec trois Michael et deux Alex (lol). Bien entendu, à la sortie du bus, le compte est bon et je mémorise les prénoms assez rapidement.

   Après avoir visité l'Arc de Triomphe et pris des photos, nous nous réfugions au chaud dans le McDo. Les élèves montent à l'étage et choisissent entre Coca et jus d'orange. Il est 10h30, certains élèves décident de commander quelque chose alors même qu'ils ont un panier repas dans leur sac. Ah, les jeunes de nos jours... 
Christine fait un peu de reconnaissance et me rapporte que les toilettes sont dégueulasses. Dommage, on a pas mal de filles qui sont du voyage...

   Je profite de ce moment de répit pour regarder ce que G. nous a préparé de bon pour le déjeuner. J'extirpe péniblement le sac en papier LONGHAMP PARIS (oui, vous avez bien lu) de mon sac, et en explore le contenu. Enroulé dans du papier d'alu se trouve une chose qui n'a de sandwich que le nom (et les deux tranches de pain). Je manque de rendre mon breakfast en soulevant la tranche du haut.

   Le sandwich est composé d'une mixture peu appétissante composée de champignons crus (!) et d'une bouillie verdâtre, qui est en fait de l'avocat. L'ensemble est complété par une tranche de fromage plate qui ressemble à du plastique et une part de jambon tout aussi artificielle. Le tout semble avoir été composé avec le niveau d'amour qu'éprouveraient les Ténardier envers Cosette.
Je grimace et me tourne vers Christine, complètement incrédule. "Do you have the same thing?"
Elle sort son propre panier-déjeuner et confirme que bien entendu, elle a subi le même traitement.

   Bon, au moins ce n'est pas personnel ! J'en discute avec Sa. et manque de m'étouffer de rire quand elle hausse les épaules et qualifie G. de "cheap bitch" (connasse radine).

   En sortant du McDo, Christine se dépêche d'aller acheter un "vrai" sandwich dans la boutique du coin, pendant que nous rassemblons nos groupes. Le compte est bon, et nous remontons dans le bus pour nous rendre au Sacré-Coeur. Évidemment nous passons par Pigalle et So., joueuse, annonce au micro que tout le monde devrait fermer les yeux, ce qui conduit en fait les jeunes curieux à les ouvrir plus grand.

   Nous nous garons juste après Pigalle et grimpons la rue pentue qui mène au Sacré-Coeur. Là, dans la montée qui mène au grand escalier, une dizaine d'hommes noirs (le premier qui me dit qu'il est raciste de préciser ce genre de faits se prend mon poing dans la gueule) tente de vendre des babioles à nos élèves. Heureusement, ces derniers ont été dûment prévenus et passent devant les vendeurs en les ignorant ou en leur adressant des sourires gênés. Je reste en arrière pour m'assurer que personne n'achète quoi que ce soit contre son gré.

   La visite du Sacré-Coeur se passe à merveille et dans le silence absolu, et c'est là que je me rends compte que seuls les enfants bien disciplinés ont été choisis pour partir en voyage. So. s'est en effet assurée de ne pas distribuer la lettre aux enfants les plus difficiles (ou à ceux qui ne choisiront pas français l'année d'après), une pratique illégale en théorie, mais souvent mise en oeuvre pour satisfaire les familles d'accueil et les enfants qui veulent réellement s'investir dans le voyage.

   Nous nous rendons ensuite place du Tertre, où quelques artistes travaillent dans le froid, et nous avons quartier libre pendant 45 min. J'en profite pour acheter une délicieuse crêpe jambon-fromage aux frais de l'école. L'immondice qui me sert de sandwich, si comiquement emballé dans ce sac Longchamp très "rive gauche", finit à la poubelle.


 Tune :




   Tous ces billets prennent du temps à taper, c'est pourquoi j'ai décidé de les diviser en demi-journées. Ça me semble plus simple, et aussi plus motivant pour moi. ^^

lundi 13 février 2012

Voyage à Paris, Day 1/5

   Il est cinq heures du matin, et il fait froid sur le parking.


Attention, voilà le Magicobus!
   Les élèves de quatrième et leurs parents se pressent autour de l'autocar à double-étage pour donner leurs valises au chauffeur, qui doit escalader la roue arrière pour accéder à la minuscule soute à bagages. Bientôt les goobyes sont prononcés, les gamins installés et comptés. Soixante-six, le compte est bon.

   Je suis installé seul à l'avant du bus, au deuxième étage. Nice view. Derrière moi, cinquante-six gamins et Christine, l'assistante allemande. En bas, dix gosses et les trois profs. Nous sommes chargés de garder un oeil sur les gamins mais aussi de s'assurer qu'ils apprécient le voyage.

   Je suis donc assis sur la droite, et j'ai deux sièges pour moi tout seul. Sur ma gauche se trouvent H., la fille de ma mentor et T., une de ses amies. Celle-ci ne m'a eu que quelques fois en cours, mais elle semble beaucoup m'apprécier. Peu surprenant, étant donné le niveau d'excitation dont elle fait preuve "ohmygod ohmygod ohmygod I'm going to Paris aaaaaaah !"

   Une fois passée la douane française, T. s'exclame : "Ça y est on est en France ! Ça ressemble pas mal à l'Angleterre quand même...". Et H. de répondre, amusée : "Tu t'attendais pas à ce que ça soit complètement différent quand même ?".
La candeur de certains gamins me fait sourire et je me souviens qu'il y a encore quelques années, je pensais qu'on pouvait voir les poissons en prenant le tunnel sous la Manche (oui, bon...).

   Le voyage se déroule sans encombres majeures (sauf que le DVD de Harry Potter 8 s'est mis à déconner et qu'on a pas pu voir le film jusqu'au bout, dégoûté), et nous arrivons bientôt dans un petit bled de banlieue en Seine Saint-Denis.

   Sur le parking plongé dans la nuit glaciale, toute une bande de familles françaises attend de recevoir à tour de rôle nos chers britanniques avec une bise hexagonale bien sentie. Je me poste dans les escaliers du bus entre les deux étages et crie de ma voix puissante et toujours enrhumée les prénoms des gamins qui sont appelés par les familles. La moitié des parents semble avoir oublié les prénoms ou avoir beaucoup de mal à les prononcer, ce qui rend le processus un peu longuet.
   Finalement, quand tout le monde est descendu, nous rencontrons notre famille d'accueil. "Nous", ça inclut Christine, ma mentor So. et moi-même. L. et Sa., les deux autres jeunes femmes profs (je suis le seul accompagnateur masculin) sont dans une autre famille. L. a logé chez "notre" famille deux années auparavant, avant de demander à en changer l'année d'après. Sa. est restée avec eux en 2011, et a également demandé un changement pour cette année. Je vais vite comprendre pourquoi.

   A la sortie du bus nous attend une grande femme, la cinquantaine, souriante. Elle est emmitouflée dans un manteau épais et une chapka très est-européenne qui lui donne tout de même l'air un peu autoritaire. D'épaisses bottes fourrées viennent parachever cet attirail inhabituel, mais adapté aux températures glaciales de ce mercredi soir.

   G. (c'est son nom) nous salue chaleureusement et nous emmène chez elle, à deux pas de là. So. ne m'a que très vaguement prévenu à propos de cette famille, donc je ne sais pas trop à quoi m'attendre et surtout, quelle est la chose qui a incité L. et S. (deux profs très jeunes à l'enthousiasme palpable) à changer de famille.

   Au moment de rentrer, G. nous stoppe immédiatement et nous dit "ici on retire bien les chaussures". Le ton est aimable, mais ferme. Christine, qui comprend pas mal le français, ne saisit pas la phrase. Je la traduis pour elle et G. nous offre des pantoufles. Je décline, j'ai mes vieux chaussons Marks & Spencer dans ma valise.

   Nous sommes finalement autorisés à visiter la maison, qui est très grande. La déco fait "moderne" mais manque sérieusement de goût. À l'étage, G. nous présente nos chambres : une pour So. et Christine, et une pour moi. J'ai la chambre de la fille de G., 22 ans, qui a fait HEC et habite maintenant au Canada, ce que sa mère adore nous rappeler de temps à autre. Les photos sur les murs laissent apparaître une brunette sublime, et je me demande s'il est réellement possible que G. en soit la mère.

   G. nous harasse pour que l'on éteigne bien les lumières quand on quitte une pièce, à cause des récentes coupures de courant dont elle fait tout un foin pendant qu'on grommelle "d'accord, d'accord". En nous présentant les toilettes, G. nous précise qu'il faut bien rabaisser l'abattant des W.C et que "c'est sa seule maniaquerie". Étrange, pour l'instant j'en dénombre plutôt trois.

   G. nous annonce le dîner : tarte au saumon. So., avec son tact habituel (ce n'est pas ironique, je précise) dit que cela convient parfaitement, mais qu'il est bien marqué sur le formulaire que Christine est végétarienne.
La bouche de G. s'ouvre en grand. "Mais on m'a dit qu'elle était végétarienne, pas végétalienne ! Donc elle mange pas d'oeufs ni de fromage non plus ?"
Je hausse les sourcils. Cette femme est terriblement rapide à juger les gens. Certains végétariens mangent du poisson, certes, mais il n'y a rien de surprenant à classer la chair animale, quelle qu'elle soit, dans la catégorie des viandes.
Christine, un peu déstabilisée, riposte avec un sourire, dans un français impeccable : "Si si, j'aime beaucoup le fromage, et le lait aussi."
"Ah bon." fait G., pas convaincue, comme si on venait de la gifler avec une vérité impossible.

   Au moment du repas, Christine est contrainte de nous regarder patiemment manger notre quiche au saumon, son assiette vide de toute nourriture. Classe.


À demain pour la visite de Paris, l'invasion du McDo des Champs, les paniers-repas dégueulasses et les photos coquines prises en plein Louvre ! 

Tune of the day :